Avec Rachid et Jean-Luc, soirées enchanteresses

Publié le par Julien Bonin

Depuis quelques mois, j’ai accoutumé de passer, de temps à autre, la soirée chez un ami, Jean-Luc, où nous rejoint Rachid, un ami commun ; tous deux d’ailleurs me sont très chers. Celui-là, qui aime fort à cuisiner et qui le fait avec un art incomparable, nous prépare des dîners exquis, soit français, soit indiens, soit italiens ou japonais, sur une table dressée avec goût autant qu’avec soin, et éclairée de bougies.

 

Sans contredit

les meilleures soirées de Paris

Chez Jean-Luc

 

            Ces dîners, qu’accompagnent des vins bien appariés aux mets et qui s’achèvent par des digestifs et des thés excellents, contribuent encore à augmenter la joie des convives, ravis de se trouver ensemble et dont les discours animés, les plaisanteries, les facéties, les rires et les yeux brillants marquent l’extrême gaieté.

Pour la préparation de repas indiens, elle ne peut surprendre de la part d’un homme proprement amoureux de ce pays, où il a voyagé maintes et maintes fois. Parmi les innombrables objets et figures de bois et de bronze qui ornent son appartement, dans lequel, en entrant, on quitte Paris et la France et l’on se voit transporté dans quelque pays éloigné en Orient, on trouve quantité de petites statues de divinités et de créatures mythologiques de l’Inde, parmi lesquels Ganesh à la tête d’éléphant, Shiva et Garuda, monture ailée de Vishnou.

 

Cinq cents Ganesh

assistent enchantés

au repas des trois amis

 

Sous les regards

des Ganesh propices

une divine soirée

 

Les dieux de l’Inde

veillent à ce que rien

ne vienne troubler notre soirée

 

Notre joyeux repas

ne trouble point

le silence recueilli des dieux

 

Malgré nos rires bruyants

les Garuda de bronze

restent de marbre

 

En dépit de ses grandes oreilles

Ganesh entend nos voix

sans montrer d’agacement

 

Recueilli en lui-même

Shiva ne fait pas attention

à notre gaieté profane

 

            Il n’est pas rare que, pendant nos conversations, nous parlions d’une petite pièce contiguë à la chambre de Jean-Luc et tapissée de bleu. Rachid l’a nommée la chambre bleue ; et, quoique exiguë, la présence d’un petit lit justifie fort bien ce nom, sous lequel nous l’appelons toujours. Rachid s’étant imaginé, par plaisanterie, que cette pièce servait aux plaisirs de la chair et était témoin des ébats amoureux de Jean-Luc, celui-ci s’amuse à entretenir le mystère sur ce qui se passe là ; et la chambre bleue où, en réalité, il ne fait que conserver ses disques et quelques objets des plus prosaïques, comme des valises, est souvent l’objet de sous-entendus licencieux et spirituels à la fois.   

 

Vide et silencieuse

la chambre bleue du moins

se réjouit qu’on parle d’elle

 

            Vers une ou deux heures du matin, le repas achevé et après que nous nous sommes entretenus de peinture, de lettres, de cinéma et de toutes sortes de choses relatives aux moeurs et aux arts, tout en écoutant de la musique, tantôt orientale, tantôt occidentale et classique, en particulier de l’opéra, Rachid, le plus souvent, s’en retourne chez lui.

 

Rachid s’en va

au milieu de la nuit

mais nous laisse sa joie

 

Rachid part seul

au milieu de la nuit

sa gaieté reste avec nous

 

            Depuis le mois de novembre et l’instauration du couvre-feu, force m’est de passer la nuit chez Jean-Luc, qui est, au matin, un hôte aussi prévenant et attentionné qu’au soir :

 

                                          Grâce au COVID

le petit déjeuner

chez Jean-Luc

 

            Les circonstances me procurent d’ailleurs le plaisir de dormir dans une chambre dont les meubles, les coussins, les couvertures, les peintures et les aquarelles au mur, tout enfin rappelle l’Egypte et le Maghreb ; excepté quelques Ganesh malicieux qui se sont établis là. Il y a aussi, dans un coin faiblement éclairé, le buste en terre d’un jeune homme, que, pendant longtemps, je n’ai pas remarqué, ou plutôt, je l’avoue à ma honte, que j’ai dédaigné. La semaine dernière, tout à coup, je me suis aperçu qu’il était de la plus grande beauté : c’est une œuvre d’Alexandre Kéléty, sculpteur hongrois, mais, trouvant au modèle représenté un air italien, je l’ai nommé Andrea.

 

                                          Sous les yeux

du beau jeune homme

jusque-là négligé

Avec Rachid et Jean-Luc, soirées enchanteresses

La tête tournée vers le lit

où je dors quelquefois

se pourrait-il qu’il m’attende

 

Plus beau que s’il était

en chair et en os

miracle de l’art

 

            De l’autre côté de mon lit, sont posées sur une poutre de bois les petites figures de Ganesh, que je contemple avant de me coucher :

 

Je n’ai d’yeux

que pour la trompe de Ganesh

aux grandes oreilles

 

A noter : le 22ème chapitre de la biographie d'Andreacini sera mis en ligne le 31 mars. Quant au quatrième tome de La Vie d'Oru, il sera achevé en avril et publié aussitôt que possible. 

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