Akutagawa : Yoshihidé, peintre acharné

Publié le par Julien Bonin

[…] Dans la hâte que j'ai mise à vous décrire ce curieux Paravent, peut-être n'ai-je pas respecté l'ordre de la narration. Nous allons donc revenir à Yoshihidé, auquel le Seigneur a passé commande d'une peinture de l'Enfer.

A partir de ce moment, pendant cinq ou six mois, sans même se présenter à la Résidence du Seigneur, Yoshihidé s'absorba dans la composition du Paravent. Malgré son attachement à sa fille, dès qu'il fut à l'œuvre, il perdit, raconte-t-on, tout désir de voir ne serait-ce que son visage. N'est-ce point extraordinaire ? Aux dires du disciple déjà mentionné, une fois plongé dans le travail, cet homme fut comme possédé par l'esprit d'un « renard ». Selon des rumeurs du temps, sa réussite en peinture était due à un serment qu'il avait fait devant le Grand Dieu du Bonheur. Certains affirmaient que si on l'épiait lorsqu'il peignait, on voyait de sinistres ombres de renards rôder autour de lui. Ainsi, le pinceau à la main, il oubliait tout, sauf l'achèvement de la toile à laquelle il se consacrait. Nuit et jour enfermé dans une chambre, c'est à peine s'il voyait la lumière du soleil. En particulier, lors de la composition du Paravent des Figures infernales, son acharnement parut exceptionnel.

[…] quand il s'était dédié à la peinture du Cycle des Naissances et des Morts, maintenant suspendus au portail du temple Ryûgaiji, assis imperturbable devant un cadavre abandonné dans la rue et dont tout homme normal aurait détourné les yeux, il en avait dessiné le visage et les membres à demi décomposés sans omettre un seul cheveu. On se demandait alors quel pouvait bien être cet acharnement exceptionnel que j'ai signalé.

Akutagawa, Figures infernales (traduction : Arimasa Mori).

 

Dans la fin de cette nouvelle, l'auteur montre mieux encore l'extrême passion de Yoshihidé pour la peinture ; mais, pour ceux qui ne l'auraient pas lue, je juge plus à propos de ne pas la copier ici, et les engage à lire cette admirable nouvelle en entier.

Publié dans Textes

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